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André Menezes (USP)
Titre: Claude Lefort et la critique du «révolutionnarisme » totalitaire.
On interrogera les articulations entre révolution et liberté chez Claude Lefort pour suivre son effort visant élaborer une nouvelle philosophie politique par le biais d’une critique interne du marxisme en URSS. En d’autres termes, il s’agit de suivre son effort pour élaborer une philosophie capable de penser les phénomènes contemporains, d’échapper aux antinomies du discours marxiste officiel détenu par le parti communiste et nonobstant capable de ne pas renoncer au marxisme ni de se placer en deçà de la dialectique marxiste. Lefort fait la critique des thèses communistes sur la « révolution » à la lumière d’une lecture des phénomènes historiques (ayant comme des répères principaux la révolution française et la révolution russe) et montre de quelle manière le concept de « révolution », placé à l’intérieur du discours oficiel de l’URSS et du discours des intellectuels liés au parti communiste, devient une idéologie qui masque la lutte des classes et la domination d’une classe sur l’autre. L’idéologie de la révolution qui tend à occulter l’écrasement des libertés par le totalitarisme est suivie par un « militantisme » ou « révolutionnarisme » d’alignement dogmatique qui signifie pour les intellectuels « marxistes » une renonciation à la liberté d’agir et penser. Après avoir investigué la critique de l’idéologie de la révolution, on interrogera la manière selon laquelle Lefort pense la révolution à partir du concept de démocratie.
Beatriz Uriaz (UNAM - Mexique)
L’archive Claude Lefort (Centre d’Etudes Politiques Raymond Aron, EHESS) n’a pas été catalogué, mais il est ouvert au public de manière informelle. À partir de la révision d’une partie substantielle de ce matériel pas encore organisé, j’ai pu obtenir un cadre général du contenu de l’archive, lequel je présenterai dans la première partie de l’intervention. Deuxièmement, je me concentrerai sur les échanges gérés à partir de la formation du Comité de Défense de Salman Rushdie en France, que Lefort a présidé en 1995. Les documents qui sont en rapport avec le Comité m’ont attiré l’attention, parmi d’autres raisons, parce qu’ils montrent l’importance que Lefort a attribuée à la défense des droits des intellectuels persécutés ou censurés par des régimes et des religions autoritaires. En considérant le cas espécifique de Rushdie, Lefort conjugue cette défense à une critique dévastatrice du « narcisisme » que les intellectuels persécutés pourraient développer une fois convertis en personnages publiques.
Cícero Romão de Araújo (USP)
Titre: Lefort, Marx et le Communisme
Une grande partie de la vision de Lefort sur Marx dépend de la médiation de sa critique à l’expérience du communisme au XX ème siècle. Et vice versa. Malgré le fait que l’auteur se trouve loin d’identifier l’un et l’autre, comme si le communisme aurait pu être la vérité pure et simple de la pensée marxiste. Quand-même, une fois qu’on a fait cette restriction, il est pertinent de remarquer que Lefort s’éloigne de Marx à mesure que sa critique du communisme s’approfondit. On a l’intention de montrer ce point en comparant quelques essais de l’auteur, écrits dans différents moments, ce qui rendra possible une réflexion sur les liens contradictoires entre l’oeuvre, la pensée de l’oeuvre et l’action.
Flávia Benevenuto (UFPAR)
Titre: Notes sur l’interprétation lefortienne du Proemio des Discorsi de Machiavel.
La première entreprise assumée par Machiavel dans ses Discorsi est celle d’inférer l’utilité des choses anciennes et modernes. Cette voie, qui constitue une partie de sa méthode, prévoit le recours aux historiens Anciens et, en même temps, à l’expérience des choses modernes. Les difficultés de cette stratégie sont perceptibles dans le Proemio de cet ouvrage de Machiavel. Il s’agit de revisiter quelques extraits du livre Le travail de l’oeuvre, Machiavel relatifs au Proemio des Discorsi et de chercher à identifier la complexité de cette méthode machiavelienne sous la perspective de Claude Lefort.
Jean Philippe Bejà (CERI-Sciences-Po)
Titre: Chine, des hommes en trop.
En Chine, malgré le développement impressionnant d’une forme d’économie de marché, il reste extrêmement difficile de sortir du totalitarisme. La société civile, indispensable condition de cette sortie, a beaucoup de difficulté à se développer, et surtout à s’institutionnaliser. Toutefois, des espaces existent, et les résistants travaillent à les développer. Avocats défenseurs des Droits de l’Homme, dissidents tels Liu Xiaobo, paysans et ouvriers qui, en luttant contre les abus des cadres, remettent en question le système ; toutes ces formes de résistance au système encore fortement imprégné de totalitarisme, montrent l’actualité des thèses de Claude Lefort.
José Luiz Ames (UNIOESTE)
Titre: Conflit civil en tant que force vivante du pouvoir constituant chez Machiavel.
Les États modernes sont régis par un pouvoir souverain dont les limites et les attributions sont établies dans une Constitution. La Constitution est la principale source d’autorité du pouvoir. Toutefois, la Constitution ne s’est pas crée elle-même, mais elle a été créée par un pouvoir constituant, possiblement un « peuple ». De cette façon, sa source d’autorité se trouve dans quelque chose d’extérieur à elle-même. Cela conduit à un paradoxe : le pouvoir constitutionnel doit être reconnu comme la seule source valide d’autorité ; pour ce faire, il a besoin de détruire sa propre source, donc le pouvoir constituant doit être effacé de l’sphère juridique. Alors on se trouve face au paradoxe : le pouvoir constitué, c’est-à-dire, la créature, efface le pouvoir constituant, c’est-à-dire, son créateur. Généralement, Machiavel n’est pas un penseur pris en considération dans les reconstructions et les débats théoriques concernant ce paradoxe. Bien que Machiavel ne soit pas un philosophe juridique, nous pensons que la théorie conflictuelle de la politique élaborée par le Florentin offre une contribution singulière à la résolution du paradoxe moderne d’un pouvoir constituant en tant qu’origine et base du pouvoir constitué, mais qui est aboli une fois que le pouvoir constitué est établi par la Constitution. On essayera de montrer que le peuple, en tant que pouvoir constituant, en gardant ouverte la dimension conflictuelle de la politique, offre une alternative pour expliquer l’influence réciproque entre le factuel/politique et le juridique/normatif, sans assumer la nécessité selon laquelle le premier soit effacé et vaincu par le dernier. La nature conflictuelle de la politique laisse transparaître les leggi et ordini dans leur précarité historique, toujours passibles d’être transformées par l’action vivante du peuple. La conclusion de Machiavel est que le pouvoir constituant vit à l’intérieur de la dimension ordinaire et conflictuelle da la vie républicaine: force et loi vont de paire et sont, en même temps, l’origine et l’objectif du pouvoir constituant. Compris comme tel, le peuple demeure « sujet législatif », non pas en tant que potestas, mais en tant que potentia.
José Luiz Neves (USP)
Titre: L’institution des formes de l’histoire: Claude Lefort et Merlau-Ponty
Il s'agira de commenter quelques thèmes privilégiés par Lefort dans sa lecture de Merleau-Ponty à travers l'analyse de certains textes de Sur une collonne absente.
Marilena Chauí (USP)
Nous prendrons le populisme comme forme politique propre à la classe dominante brésilienne et dont les racines se trouvent dans la division sociale entre le bésoin et le privilège. Nos analyses sont fondés sur deux pressuposés: d'une part, les idées lefortiennes de la démocratie moderne comme desincorporation du pouvoir et comme indetermination et, d'autre part, la théologie politique qui soutient le mythe fondateur du Brésil, politiquement exprimé dans l'idée de l'histoire providentielle (appropriée par les dominantes) et de l'histoire messianique (appropriée par les dominés).
Martha Costa (USP)
Titre : Réinterroger l’idéologie pour repenser le politique : Lefort, lecteur critique de Marx.
Notre objectif est de tracer un cadre des relations entre Lefort et Marx en ce qui concerne le débat sur l’origine, la fonction et les transformations de l’idéologie dans les sociétés capitalistes modernes. La trajectoire politique et philosophique de Lefort est marquée, de bout en bout, par des relations critiques avec le marxisme et l’oeuvre de Marx. Il y a plusieurs thèmes qui attestent la présence de Marx dans la pensée de Lefort, tels que l’imaginaire social, l’aliénation, la lutte de classe, etc. Parmi ces thèmes, on souligne la centralité de la notion d’idéologie, parce que celle-ci est au coeur d’une articulation de concepts clés qui soutient la conception politique lefortienne au sens large du terme. Chez Lefort l’idéologie est analysée sous différentes perspectives: soit elle est conçue comme une logique d’identification du processus de socialisation mené par le parti communiste en Russie, soit comme une expression théorique affirmant la position du parti en tant que conscience et direction du prolétariat. Parmi ces différents points de vue, nous choisirons celui qui met en scène les distances prises par Lefort par rapport à la perspective ouverte par Marx dans L’idéologie allemande. Ce faisant, Lefort vise élaborer, en même temps, une nouvelle compréhension de l’idéologie, discerner ses nouvelles configurations et ouvrir un nouvel accès à la pensée du politique. En suivant les démarches de l’article « Esquisse d’une genèse de l’idéologie dans les sociétés modernes » (1974), on indiquera les mouvements de continuité et éloignement que fait Lefort par rapport au paradigme marxiste afin d’établir de nouveaux repères pour penser l’action fondamentale de l‘idéologie, à savoir, la dénégation de la division sociale et la négation des effets de la division sociale, du conflit et de l’indétermination, bref, la négation de l’historicité du social. Dans ce mouvement, on voit aussi la critique que Lefort adresse au naturalisme de Marx et à son opposition rigide entre la production et la représentation ou encore entre le réel et l’imaginaire. En ajoutant une nouvelle dimension à son analyse – le symbolique, en tant que domaine distinct de l’idéologie – Lefort met la discussion sur l’idéologie à un niveau tout différent et en élimine le fondement économique exclusif. Désormais, Lefort conçoit l’idéologie en fonction de l’avènement d’une histoire et d’une société modernes, caractérisées par la dissolution des anciennes figures de la transcendance (notamment le mythe et la religion) et la dissolution des repères de certitude. Il s’agit finalement d’indiquer que ce mouvement critique concernant la réintérprétation de l’idéologie conduit le penseur français à reconsidérer le statut du politique : celui-ci, aux yeux de Lefort, ne se réduit plus au domaine par excellence de la mystification.
Martin Plot (UNSAM/CONICET)
Titre: Les régimes américains: théologie, épistémologie et esthétique aux États-Unis aujourd’hui
Les régimes politiques ne sont pas des systèmes de gouvernement ou des modèles institutionnels, mais des horizons de configuration de la vie collective qui structurent les relations entre le visible et l’invisible, le pensable et l’impensable. Ces régimes, que Lefort a aussi appelés “formes de société”, ne doivent pas être vus comme des horizons qui s’excluent, mais qui coexistent et sont en compétition ouverte et/ou cachée les uns avec les autres. Aux États-Unis d’aujourd’hui ce conflit de régimes menace la durabilité de la démocratie par le biais d’une alliance progressivement hégémonique de régimes théologiques et épistémologiques de la politique.
Newton Bignotto (UFMG)
Titre: Lefort et l’humanisme civique
En analysant quelques textes de Lefort, nous voulons accompagner ses réfléxions sur les humanistes de la Renaissance tout au long des textes écrits entre les anneés 1960 et 1990.
Ruy Fausto (USP)
Titre : Lefort et “Sur la question juive” de Marx: signification et implications d’une critique.
La critique élaborée dans Sur la question juive, le célèbre article dont le thème central sont les “droits de l’homme”, publié par Marx dans les Annales Franco-Allemands en 1844 (voir Lefort, “Droits de l’homme et politique”. In L’Invention Démocratique), représente peut-être le meilleur exemple de questionnement théorique rigoureux du marxisme qu’on a fait jusqu’au présent. Mon intervention se déplacera entre l’adhésion à l’argumentation rigoureuse dont fait preuve la critique de Lefort et la considération de certaines difficultés que cette critique, malgré tout, pourrait offrir, non pas en ce qui concerne son contenu intrinsèque, ni en ce qui concerne la contestation des thèses de Marx (à ce niveau, elle est irréfutable), mais en ce qui concerne au lieu que cette critique pourrait occuper à l’intérieur du projet critique global de son auteur.
Smaïn Laacher (Université de Strasbourg / EHESS-CEMS)
Titre : Comment faire peuple ? De quelques questions posées par le « printemps arabe »
Le refus, publiquement exprimé par de nombreuse masses arabes depuis 2010, d’un ordre social qui humilie, qui écrase et qui dénie le droit d’exister en sécurité à tous et à toutes les minorités culturelles, se fait au nom d’un alignement sur les standards démocratiques des pays capitalistes développés. Avec les démocrates tunisiens (au sens large), les Libyens progressistes, les Égyptiens de la première heure de la place Tahrir, les Marocains les plus libéraux du Mouvement du 20 février, ou les Syriens militants et défenseurs des droits de l’homme, nous sommes proches de la pensée et des écrits de Claude Lefort. Pour ce dernier, la démocratie c'est le régime de l’incertitude et de l’indétermination, exactement la figure antithétique de ce qui est imposé depuis 50 ans aux peuples arabes : une impossibilité historique et quasi cognitive de substituer à l’obsession et à la fascination pour l’unité du pouvoir et l’unité du corps social (« l’unité nationale »), le conflit, la division et à la compétition, autant de mises à l’épreuve réglées et pacifiques.
Titre: Claude Lefort et la critique du «révolutionnarisme » totalitaire.
On interrogera les articulations entre révolution et liberté chez Claude Lefort pour suivre son effort visant élaborer une nouvelle philosophie politique par le biais d’une critique interne du marxisme en URSS. En d’autres termes, il s’agit de suivre son effort pour élaborer une philosophie capable de penser les phénomènes contemporains, d’échapper aux antinomies du discours marxiste officiel détenu par le parti communiste et nonobstant capable de ne pas renoncer au marxisme ni de se placer en deçà de la dialectique marxiste. Lefort fait la critique des thèses communistes sur la « révolution » à la lumière d’une lecture des phénomènes historiques (ayant comme des répères principaux la révolution française et la révolution russe) et montre de quelle manière le concept de « révolution », placé à l’intérieur du discours oficiel de l’URSS et du discours des intellectuels liés au parti communiste, devient une idéologie qui masque la lutte des classes et la domination d’une classe sur l’autre. L’idéologie de la révolution qui tend à occulter l’écrasement des libertés par le totalitarisme est suivie par un « militantisme » ou « révolutionnarisme » d’alignement dogmatique qui signifie pour les intellectuels « marxistes » une renonciation à la liberté d’agir et penser. Après avoir investigué la critique de l’idéologie de la révolution, on interrogera la manière selon laquelle Lefort pense la révolution à partir du concept de démocratie.
Beatriz Uriaz (UNAM - Mexique)
L’archive Claude Lefort (Centre d’Etudes Politiques Raymond Aron, EHESS) n’a pas été catalogué, mais il est ouvert au public de manière informelle. À partir de la révision d’une partie substantielle de ce matériel pas encore organisé, j’ai pu obtenir un cadre général du contenu de l’archive, lequel je présenterai dans la première partie de l’intervention. Deuxièmement, je me concentrerai sur les échanges gérés à partir de la formation du Comité de Défense de Salman Rushdie en France, que Lefort a présidé en 1995. Les documents qui sont en rapport avec le Comité m’ont attiré l’attention, parmi d’autres raisons, parce qu’ils montrent l’importance que Lefort a attribuée à la défense des droits des intellectuels persécutés ou censurés par des régimes et des religions autoritaires. En considérant le cas espécifique de Rushdie, Lefort conjugue cette défense à une critique dévastatrice du « narcisisme » que les intellectuels persécutés pourraient développer une fois convertis en personnages publiques.
Cícero Romão de Araújo (USP)
Titre: Lefort, Marx et le Communisme
Une grande partie de la vision de Lefort sur Marx dépend de la médiation de sa critique à l’expérience du communisme au XX ème siècle. Et vice versa. Malgré le fait que l’auteur se trouve loin d’identifier l’un et l’autre, comme si le communisme aurait pu être la vérité pure et simple de la pensée marxiste. Quand-même, une fois qu’on a fait cette restriction, il est pertinent de remarquer que Lefort s’éloigne de Marx à mesure que sa critique du communisme s’approfondit. On a l’intention de montrer ce point en comparant quelques essais de l’auteur, écrits dans différents moments, ce qui rendra possible une réflexion sur les liens contradictoires entre l’oeuvre, la pensée de l’oeuvre et l’action.
Flávia Benevenuto (UFPAR)
Titre: Notes sur l’interprétation lefortienne du Proemio des Discorsi de Machiavel.
La première entreprise assumée par Machiavel dans ses Discorsi est celle d’inférer l’utilité des choses anciennes et modernes. Cette voie, qui constitue une partie de sa méthode, prévoit le recours aux historiens Anciens et, en même temps, à l’expérience des choses modernes. Les difficultés de cette stratégie sont perceptibles dans le Proemio de cet ouvrage de Machiavel. Il s’agit de revisiter quelques extraits du livre Le travail de l’oeuvre, Machiavel relatifs au Proemio des Discorsi et de chercher à identifier la complexité de cette méthode machiavelienne sous la perspective de Claude Lefort.
Jean Philippe Bejà (CERI-Sciences-Po)
Titre: Chine, des hommes en trop.
En Chine, malgré le développement impressionnant d’une forme d’économie de marché, il reste extrêmement difficile de sortir du totalitarisme. La société civile, indispensable condition de cette sortie, a beaucoup de difficulté à se développer, et surtout à s’institutionnaliser. Toutefois, des espaces existent, et les résistants travaillent à les développer. Avocats défenseurs des Droits de l’Homme, dissidents tels Liu Xiaobo, paysans et ouvriers qui, en luttant contre les abus des cadres, remettent en question le système ; toutes ces formes de résistance au système encore fortement imprégné de totalitarisme, montrent l’actualité des thèses de Claude Lefort.
José Luiz Ames (UNIOESTE)
Titre: Conflit civil en tant que force vivante du pouvoir constituant chez Machiavel.
Les États modernes sont régis par un pouvoir souverain dont les limites et les attributions sont établies dans une Constitution. La Constitution est la principale source d’autorité du pouvoir. Toutefois, la Constitution ne s’est pas crée elle-même, mais elle a été créée par un pouvoir constituant, possiblement un « peuple ». De cette façon, sa source d’autorité se trouve dans quelque chose d’extérieur à elle-même. Cela conduit à un paradoxe : le pouvoir constitutionnel doit être reconnu comme la seule source valide d’autorité ; pour ce faire, il a besoin de détruire sa propre source, donc le pouvoir constituant doit être effacé de l’sphère juridique. Alors on se trouve face au paradoxe : le pouvoir constitué, c’est-à-dire, la créature, efface le pouvoir constituant, c’est-à-dire, son créateur. Généralement, Machiavel n’est pas un penseur pris en considération dans les reconstructions et les débats théoriques concernant ce paradoxe. Bien que Machiavel ne soit pas un philosophe juridique, nous pensons que la théorie conflictuelle de la politique élaborée par le Florentin offre une contribution singulière à la résolution du paradoxe moderne d’un pouvoir constituant en tant qu’origine et base du pouvoir constitué, mais qui est aboli une fois que le pouvoir constitué est établi par la Constitution. On essayera de montrer que le peuple, en tant que pouvoir constituant, en gardant ouverte la dimension conflictuelle de la politique, offre une alternative pour expliquer l’influence réciproque entre le factuel/politique et le juridique/normatif, sans assumer la nécessité selon laquelle le premier soit effacé et vaincu par le dernier. La nature conflictuelle de la politique laisse transparaître les leggi et ordini dans leur précarité historique, toujours passibles d’être transformées par l’action vivante du peuple. La conclusion de Machiavel est que le pouvoir constituant vit à l’intérieur de la dimension ordinaire et conflictuelle da la vie républicaine: force et loi vont de paire et sont, en même temps, l’origine et l’objectif du pouvoir constituant. Compris comme tel, le peuple demeure « sujet législatif », non pas en tant que potestas, mais en tant que potentia.
José Luiz Neves (USP)
Titre: L’institution des formes de l’histoire: Claude Lefort et Merlau-Ponty
Il s'agira de commenter quelques thèmes privilégiés par Lefort dans sa lecture de Merleau-Ponty à travers l'analyse de certains textes de Sur une collonne absente.
Marilena Chauí (USP)
Nous prendrons le populisme comme forme politique propre à la classe dominante brésilienne et dont les racines se trouvent dans la division sociale entre le bésoin et le privilège. Nos analyses sont fondés sur deux pressuposés: d'une part, les idées lefortiennes de la démocratie moderne comme desincorporation du pouvoir et comme indetermination et, d'autre part, la théologie politique qui soutient le mythe fondateur du Brésil, politiquement exprimé dans l'idée de l'histoire providentielle (appropriée par les dominantes) et de l'histoire messianique (appropriée par les dominés).
Martha Costa (USP)
Titre : Réinterroger l’idéologie pour repenser le politique : Lefort, lecteur critique de Marx.
Notre objectif est de tracer un cadre des relations entre Lefort et Marx en ce qui concerne le débat sur l’origine, la fonction et les transformations de l’idéologie dans les sociétés capitalistes modernes. La trajectoire politique et philosophique de Lefort est marquée, de bout en bout, par des relations critiques avec le marxisme et l’oeuvre de Marx. Il y a plusieurs thèmes qui attestent la présence de Marx dans la pensée de Lefort, tels que l’imaginaire social, l’aliénation, la lutte de classe, etc. Parmi ces thèmes, on souligne la centralité de la notion d’idéologie, parce que celle-ci est au coeur d’une articulation de concepts clés qui soutient la conception politique lefortienne au sens large du terme. Chez Lefort l’idéologie est analysée sous différentes perspectives: soit elle est conçue comme une logique d’identification du processus de socialisation mené par le parti communiste en Russie, soit comme une expression théorique affirmant la position du parti en tant que conscience et direction du prolétariat. Parmi ces différents points de vue, nous choisirons celui qui met en scène les distances prises par Lefort par rapport à la perspective ouverte par Marx dans L’idéologie allemande. Ce faisant, Lefort vise élaborer, en même temps, une nouvelle compréhension de l’idéologie, discerner ses nouvelles configurations et ouvrir un nouvel accès à la pensée du politique. En suivant les démarches de l’article « Esquisse d’une genèse de l’idéologie dans les sociétés modernes » (1974), on indiquera les mouvements de continuité et éloignement que fait Lefort par rapport au paradigme marxiste afin d’établir de nouveaux repères pour penser l’action fondamentale de l‘idéologie, à savoir, la dénégation de la division sociale et la négation des effets de la division sociale, du conflit et de l’indétermination, bref, la négation de l’historicité du social. Dans ce mouvement, on voit aussi la critique que Lefort adresse au naturalisme de Marx et à son opposition rigide entre la production et la représentation ou encore entre le réel et l’imaginaire. En ajoutant une nouvelle dimension à son analyse – le symbolique, en tant que domaine distinct de l’idéologie – Lefort met la discussion sur l’idéologie à un niveau tout différent et en élimine le fondement économique exclusif. Désormais, Lefort conçoit l’idéologie en fonction de l’avènement d’une histoire et d’une société modernes, caractérisées par la dissolution des anciennes figures de la transcendance (notamment le mythe et la religion) et la dissolution des repères de certitude. Il s’agit finalement d’indiquer que ce mouvement critique concernant la réintérprétation de l’idéologie conduit le penseur français à reconsidérer le statut du politique : celui-ci, aux yeux de Lefort, ne se réduit plus au domaine par excellence de la mystification.
Martin Plot (UNSAM/CONICET)
Titre: Les régimes américains: théologie, épistémologie et esthétique aux États-Unis aujourd’hui
Les régimes politiques ne sont pas des systèmes de gouvernement ou des modèles institutionnels, mais des horizons de configuration de la vie collective qui structurent les relations entre le visible et l’invisible, le pensable et l’impensable. Ces régimes, que Lefort a aussi appelés “formes de société”, ne doivent pas être vus comme des horizons qui s’excluent, mais qui coexistent et sont en compétition ouverte et/ou cachée les uns avec les autres. Aux États-Unis d’aujourd’hui ce conflit de régimes menace la durabilité de la démocratie par le biais d’une alliance progressivement hégémonique de régimes théologiques et épistémologiques de la politique.
Newton Bignotto (UFMG)
Titre: Lefort et l’humanisme civique
En analysant quelques textes de Lefort, nous voulons accompagner ses réfléxions sur les humanistes de la Renaissance tout au long des textes écrits entre les anneés 1960 et 1990.
Ruy Fausto (USP)
Titre : Lefort et “Sur la question juive” de Marx: signification et implications d’une critique.
La critique élaborée dans Sur la question juive, le célèbre article dont le thème central sont les “droits de l’homme”, publié par Marx dans les Annales Franco-Allemands en 1844 (voir Lefort, “Droits de l’homme et politique”. In L’Invention Démocratique), représente peut-être le meilleur exemple de questionnement théorique rigoureux du marxisme qu’on a fait jusqu’au présent. Mon intervention se déplacera entre l’adhésion à l’argumentation rigoureuse dont fait preuve la critique de Lefort et la considération de certaines difficultés que cette critique, malgré tout, pourrait offrir, non pas en ce qui concerne son contenu intrinsèque, ni en ce qui concerne la contestation des thèses de Marx (à ce niveau, elle est irréfutable), mais en ce qui concerne au lieu que cette critique pourrait occuper à l’intérieur du projet critique global de son auteur.
Smaïn Laacher (Université de Strasbourg / EHESS-CEMS)
Titre : Comment faire peuple ? De quelques questions posées par le « printemps arabe »
Le refus, publiquement exprimé par de nombreuse masses arabes depuis 2010, d’un ordre social qui humilie, qui écrase et qui dénie le droit d’exister en sécurité à tous et à toutes les minorités culturelles, se fait au nom d’un alignement sur les standards démocratiques des pays capitalistes développés. Avec les démocrates tunisiens (au sens large), les Libyens progressistes, les Égyptiens de la première heure de la place Tahrir, les Marocains les plus libéraux du Mouvement du 20 février, ou les Syriens militants et défenseurs des droits de l’homme, nous sommes proches de la pensée et des écrits de Claude Lefort. Pour ce dernier, la démocratie c'est le régime de l’incertitude et de l’indétermination, exactement la figure antithétique de ce qui est imposé depuis 50 ans aux peuples arabes : une impossibilité historique et quasi cognitive de substituer à l’obsession et à la fascination pour l’unité du pouvoir et l’unité du corps social (« l’unité nationale »), le conflit, la division et à la compétition, autant de mises à l’épreuve réglées et pacifiques.